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No16
   27-décembre-2002   

AGENTS D'EXPLOITATION: UNE ANNEE DIFFICILE

Grève

La veille de Noël, le 23 décembre à 6h du matin et jusqu'à 13h15, plus de 80% des agents d'exploitation de la Division Commerciale de Paris se sont mis en grève à l'appel de Force Ouvrière. Pourquoi?

Vending: Objectif Below target

L'année 2002 a été "une année difficile" pour le Vending, et l'objectif est "non atteint" ("Below Target" selon les feuilles d'évaluation de la performance de ce service). La morosité du marché, la modification du monnayeur pour le passage à l'Euro, la difficulté des consommateurs aux repères de l'Euro, la disponibilité des pièces, la deuxième transformation pour l'acceptation de la pièce de 2 Euros, et l'arrondi des tarifs ont été les jalons de l'année.

Le pilotage d'une équipe

Pour les managers, piloter une équipe, ce ne devrait pas être d'exiger que la vitesse moyenne soit atteinte par chaque collaborateur quelle que soit sa route, ni que la vitesse de chacun soit au moins égale à la vitesse moyenne de l'équipe. C'est pourtant ce qu'on voit au quotidien. Coca-Cola a la plus grande force de vente de France, elle a les meilleurs résultats vue la part de marché occupée par les softs drinks, et pourtant le management laisse à désirer. Et ce n`est pas faute pour le siège de multiplier les formations CD-Rom ou les contrats avec des organismes spécialisés.

Le dilemme du manager

Un manager a tendance à calquer les objectifs de son équipe sur ses objectifs particuliers qui pourront lui rapporter de l'argent ou le faire progresser. C'est humain et compréhensible, même si ce n'est pas normal et fatal. Si le manager n'a pas osé discuter les objectifs qu'on lui propose pour les adapter à la réalité du moment et aux nécessités du futur, il va se retrouver face à un choix. Soit il veut arrondir son salaire et il va faire des pressions, remarques déplaisantes sur les feuilles d'évaluation, sanctions d'avertissement, réunions de voeux pieux, sans que son secteur sorte du bourbier, soit il décide de faire le sacrifice de l`arrondi de son salaire et il va adapter les priorités, améliorer ce qui peut l'être et son secteur sortira du bourbier.

La réactivité de la direction

Si les ventes baissent et qu'on doit garantir le standard de qualité produit (DLUO), il suffit d'une règle de trois pour comprendre qu'il faut diminuer la charge de travail des agents d'exploitation en leur enlevant des clients et augmenter la fréquence des passages aux distributeurs. Est-il raisonnable qu'il faille 4 mois, de janvier à avril, pour faire cette règle de trois? Quand un manager fait envoyer à plusieurs reprises des demandes de sanctions pour DLUO dépassée, ne doit-il pas d'abord s'interroger pour savoir si ce n'est pas l'organisation du travail qui génère ces incidents? Malheureusement, quand la direction d'un établissement cautionne par un avertissement ou un licenciement un froncement de sourcil d'un manager, elle oublie qu'elle le lave de tout soupçon d'implication préalable. Le pire est, si une vérification immédiate de la plainte n'a pas été opérée et communiquée, que la grande force de vente de Coca-Cola est à la merci d'un concurrent habile.

L'ignorance règne

Si une direction sanctionne pour une DLUO dépassée suite à un contact consommateur (mais dans les courriers de sanction, on écrit toujours "plainte consommateur"), elle précise qu'une DLUO dépassée est un produit "périmé", ce qui montre que le service qualité de l'établissement a encore de la pédagogie à faire.

Le coût humain de la qualité

Les retours produits suite à des DLUO dépassées coûtent chers à l'entreprise (et aux salariés pour leur intéressement), et l'année 2002 aura constituée un record. Coca-Cola sait gérer par un système de traçabilité les retours usine ou plate-forme pour des incidents qualité. Elle ne sait pas encore gérer correctement les retours produits des distributeurs automatiques. En pratique, tout repose essentiellement sur la vigilance des agents d'exploitation. C'est malheureusement en amont qu'il faut agir si Coca-Cola veut gagner la guerre. Pendant la première guerre mondiale, les soldats se faisaient tuer dans les tranchées et quand l'un était mort (par une balle ennemie ou par une balle d'un peloton d'exécution), il était remplacé par un autre soldat qui mourait lui-même au bout de quelques jours (la durée de vie des soldats était très courte en ce temps-là). Jusqu'à ce qu'un général décide de changer de stratégie. Coca-Cola en est restée aux méthodes de la première guerre mondiale: on licencie et on remplace par un nouveau licenciable (car il est difficile d'appeler salarié quelqu'un qui conclue un contrat CSI, contrat à sanction inévitable).

Quelques suggestions

Que peut faire Coca-Cola pour gagner la guerre de la DLUO dans les distributeurs automatiques? Arrêter de blanchir les chefs en sanctionnant les lampistes et instituer des règles qualité qui évitent des contacts consommateurs:
1) Pas de départ de produit des entrepôts en dessous d'une date précise.
2) Demande possible par l'agent d'exploitation d'enlèvement de distributeurs peu rentables.

Pourquoi une grève

Pourquoi les agents d'exploitation de la Division Commerciale de Paris se sont mis en grève? Pour protester contre la sanction d'un des leurs qui était rendu responsable d'une mauvaise organisation et de décisions tardives de la part du management. Et pour exiger que la qualité du service qu'ils peuvent rendre ne soit pas un mot vide pour les consommateurs à cause d'objectifs quantitatifs qui rentrent en opposition faute d'effectif, d'organisation de route, de règles strictes ou d'objectifs de recyclage de produits ne correspondant pas aux CGV (Conditions Générales de Vente).

L'écoute des collaborateurs

C'est bien qu'après une grève Coca-Cola découvre qu'il faut lancer des groupes qualité dans le commercial et pas seulement dans les usines. Tout le problème est: écoutera-t-on les salariés comme on écoute les consommateurs? Quand un salarié écrit à un employeur suite à une sanction en faisant remonter des anomalies, l'écoute-t-on en haut lieu? On n'a pas l'impression puisqu'on se contente de constater que la flèche est plantée hors de la cible en oubliant le coup de vent qui l'a fait dévier de sa trajectoire. On dirait plutôt qu'on veut faire peur. Quand on fusillait les déserteurs de 1917, c'est vrai que les quelques milliers de fusillés faisaient rester dans les tranchées les quelques millions de soldats. Mais c'est vrai aussi qu'ils ne sortaient des tranchées que pour être fusillés les yeux ouverts au lieu des yeux bandés.

Comment gagner ou comment perdre

Si Coca-Cola veut gagner quelque chose au Vending en 2003, elle devra le faire avec les salariés et non contre eux, avec leurs contributions de travail et de réflexion et non avec la peur des sanctions, bref en développant un dialogue. Dans les réunions de dialogue, on ne peut se limiter à des projections de transparents et dans les entretiens d'évaluation, le dialogue ne peut se limiter à extorquer la signature des salariés en bas d'élucubrations qui leur sont étrangères.


   top.gif    Dépôt CCE Clamart: 27-décembre-2002   
   c.gif    Responsable de publication: Gaby ZENOU